3. La Procédure

 

Lorsque la compagnie d'assurance du responsable refuse de reconnaître la faute médicale, la victime n'a pas d'autre choix que d'envisager une procédure.

Il en existe trois :

 

1. La procédure pénale

 

Cette procédure peut être initiée directement par le Parquet (généralement en cas de décès suspect ou de comportement dangereux d'un prestataire de soins) ou par la victime.

Pour entamer la procédure pénale, la victime se constitue généralement partie civile entre les mains du juge d'instruction.

Une "plainte avec constitution de partie civile" doit être rédigée (idéalement par un avocat) et déposée au parquet.

Le juge d'instruction examinera la plainte et procède habituellement à la saisie du dossier médical et à la désignation d'un médecin-expert. La police, à la demande du juge d'instruction, procède aux auditions de toutes les parties concernées et retrace tous les faits du dossier.

A la fin de l'enquête pénale, le Parquet émettra un avis favorable ou défavorable à la poursuite du prestataire de soins devant un tribunal correctionnel. Le juge siégeant en Chambre du Conseil décide ensuite si le dossier contient suffisamment d'éléments à mettre à charge du prestataire de soins de santé pour renvoyer le prestataire de soins de santé devant le tribunal correctionnel.

Si le prestataire de soins est renvoyé devant le tribunal correctionnel, celui-ci décidera s'il est coupable ou non d'avoir commis une faute médicale sur la victime qui peut, alors, réclamer une indemnité au responsable. 

 

Cette procédure présente divers avantages :

  • elle est relativement peu coûteuse (c'est l'Etat qui paye les frais d'expertise et qui fait avancer le dossier) ;
  • la victime peut éventuellement se passer d'un avocat, même si cela est déconseillé (risque de passer à côté d'un élément essentiel du dossier, de ne pas être suffisamment entendu par le Parquet, de ne pas respecter certaines formes ou conditions d'action, etc.) ;
  • elle donne le sentiment à la victime que l'auteur responsable sera puni pour ce qu'il a fait ;
  • elle interrompt, dans certaines circonstances, la prescription de l'action civile ;

 

Cette procédure présente toutefois de nombreux désavantages

  • elle dure généralement bien plus longtemps qu'une procédure civile et aboutit parfois à la prescription de l'action publique (pénale), obligeant alors la victime à entamer une procédure civile qu'elle aurait pu entamer bien plus tôt (perte de temps) ;
  • la victime n'a pas beaucoup d'emprise sur l'avancement du dossier et doit demander l'autorisation du juge d'instruction pour accéder au dossier ;
  • l'expertise médicale demandée par le juge d'instruction se fait généralement de façon unilatérale, donc sans que la victime ne puisse y intervenir et faire valoir, par exemple, ses observations ;
  • le "bénéfice du doute" profite au prévenu de sorte qu'il est possible que le prestataire de soins soit acquitté au pénal alors qu'il existe une faute civile qui aurait pu être sanctionnée devant un tribunal civil (la faute pénale et la faute civile sont différemment appréciés) ;
  • les peines pénales prononcées contre un prestataire de soins ayant involontairement blessé un patient sont généralement "symboliques". Sauf dans des cas graves ou volontaires (exemple : un médecin pratiquant sous influence de l'alcool ou étant multirécidiviste), un médecin ne sera par exemple jamais condamné à de la prison ferme, ce qui heurte généralement la victime ou son entourage.

 

2. La procédure civile

 

La procédure civile en responsabilité médicale se fait devant le Tribunal de Première instance de la région de l'hôpital, du prestataire de soins concerné ou de son assureur.

Elle est introduite par la victime par voie de citation en justice (une convocation officielle, par écrit) qui nécessite de faire appel à un huissier. 

 

La procédure civile présente de nombreux avantages :

  • la victime maîtrise la procédure du début à la fin et dispose d'un large panel de possibilités d'action ;
  • la procédure civile est la plus rapide des trois procédures, sauf quelques exceptions (en cas d'appel devant la Cour d'appel de Bruxelles, par exemple)  ;
  • l'expertise judiciaire est contradictoire et surveillée par le juge civil. Cela signifie que la victime est systématiquement informée de toutes les étapes de l'expertise et y participe autant que l'assureur du responsable. En cas de problème, le juge est compétent pour intervenir.
  • la moindre faute, même la plus légère, ouvre le droit à indemnisation de la victime. La preuve "scientifique" ne doit pas spécialement être établie, contrairement à la faute pénale. Il n'y a pas de notion du "doute profite au prévenu" dans le cadre d'un procès civil. 
  • pas de prescription de l'action civile, une fois que la procédure civile est lancée (contrairement à la procédure pénale qui, si elle dure trop longtemps, aboutit à la prescription de l'action pénale).

 

La procédure civile présente également des désavantages

  • tous les frais sont à avancer par la victime (huissier, avocat, médecin conseil, expert judiciaire, etc.). Toutefois, si la victime dispose d'une assurance protection juridique, tous ces frais sont pris en charge. De même, à la fin de la procédure, si la victime a obtenu gain de cause, le responsable doit lui rembourser les frais exposés (avec certaines limitations, notamment pour les frais d'avocat qui sont indemnisés par une "indemnité de procédure" proportionnelle à l'enjeu financier du litige). 
  • la victime doit nécessairement se faire assister d'un avocat et d'un médecin conseil pour mener correctement à bien la procédure civile, compte tenu de la complexité juridique de la démarche. 

 

3. La procédure devant le Fonds des Accidents Médicaux (FAM)

 

Cette troisième procédure ne se déroule pas devant un tribunal mais devant le Fonds des Accidents Médicaux (FAM).

Le Fonds des Accidents Médicaux a été instauré en 2010 et est financé par l'Etat (l'INAMI).

Vous pouvez consulter le site officiel du FAM pour plus de renseignements.

Le FAM indemnise, dans certaines conditions strictement définies par la loi, les victimes d'accidents médicaux sans responsabilité, c'est-à-dire dans des cas où la responsabilité de l'hôpital, du médecin ou de tout autre prestataire de soins de santé, n'est pas formellement établie (essentiellement parce qu'il n'y a pas de faute médicale en tant que telle).

Les conditions d'intervention du FAM, en cas d'accident médical sans responsabilité sont, notamment, que :

  • l’accident ne résulte pas de l’état de la victime ;
  • l'accident entraîne pour la victime un dommage anormal et suffisamment grave, c'est-à-dire :

- qui n’aurait pas dû se produire compte tenu de l’état actuel de la science, de l’état du patient et de son évolution objectivement prévisible ;

- entraînant une invalidité permanente d’un taux égal ou supérieur à 25 % ;

- ou une incapacité temporaire de travail au moins durant 6 mois consécutifs ou 6 mois non consécutifs sur une période de 12 mois ;

- ou des troubles particulièrement graves, y compris d’ordre économique, dans les conditions d’existence du patient ;

- ou le décès du patient.

 

Le FAM a également une mission de rendre des avis concernant une éventuelle responsabilité médicale.

L'avis du FAM ne lie pas le tribunal, c'est-à-dire que le juge n'est pas obligé de suivre cet avis.

La procédure devant le FAM est gratuite (sauf l'intervention éventuelle du médecin conseil de la victime et de son avocat, et paraît attirante.

Cette procédure comporte néanmoins quelques inconvénients :

  • Une procédure dure actuellement (en 2021) en moyenne entre 4 et 6 années. 
  • L'avis du FAM ne lie pas le juge de sorte que même si le FAM estime qu'il existe une responsabilité dans le chef du prestataire de soins, son assureur pourrait contester l'avis du FAM en justice de sorte que la victime devra quand même subir la procédure, des années plus tard.
  • En absence de responsabilité du prestataire de soins, les conditions pour être reconnu comme victime d'un accident médical sans responsabilité sont strictes et, en pratique, difficiles à réunir.
  • Le FAM est financé par l'Etat et ne dispose que d'un budget limité, ce qui explique - d'une part - qu'il manque de moyens humains pour faire avancer rapidement les dossiers et - d'autre part -  qu'il ne peut indemniser que les cas les plus graves et les plus évidents (ceux qui entrent incontestablement dans les conditions légales strictes). 

 


Conclusion

 

Chacune des trois procédures dispose de ses avantages et de ses inconvénients.

Il est essentiel que la victime (et son avocat) pèse correctement tous les tenants et aboutissants de la procédure envisagée avant de se lancer.

L'avocat Ludovic De Block déconseille a priori le recours à la procédure pénale qui dure bien trop longtemps avec un résultat aléatoire, sans emprise correcte de la victime sur le décours du dossier.

En fonction de l'avis du médecin conseil, l'avocat Ludovic De Block recommande la procédure civile ou le recours auprès du Fonds des Accidents médicaux.


L'étape suivante : 4. L'expertise médicale